2005/10/08

Le bon von m'endort et le débat sur la SAQ me réveille encore

Le 5 octobre dernier, l'Institut Économique de Montréal publiait un cahier de recherche sur la justesse de la présence d'un monopole d'État dans le commerce d'alcool au Québec en 2005. En somme, ce think-tank de centre-droit affirme que ''ni les arguments théoriques, ni les performances économiques ne justifient le maintien du monopole actuel de la SAQ''.

Et le pseudo-débat s'est amorcé, pseudo car il n'y a pas eu d'échanges directs entre les participants, encore moins de recherche de consensus ou de nuances, les tenants et opposants de la privatisation se tenant à gauche et à droite du spectrum politique comme il se doit toujours dans notre Belle Province.

Naturellement, tous les columnists de La Presse se sont presque entendus pour applaudir la publication. Aucune note discordante dans leurs pages. La réponse des syndicats ne s'est pas fait attendre: Bernard Landry -oui, oui, LE Bernard Landry- est allé à RDI défendre le monopole de la SAQ. Une question d'équité entre les régions, affirme-t-il. Comme si à la suite d'une privatisation à grande échelle, les consommateurs de Gaspé ou de Chicoutimi n'étaient désormais plus rentables pour un acheteur potentiel...

Pour ma part, je me rangerais du côté des arguments logiques et économiques de la droite sur la question du maintien du monopole. Et ce, surtout depuis que je sais que contrairement à ce que M.Landry affirme, la structure de prix n'est pas du tout démocratique à la SAQ par rapport à nos voisins. Les grands vins des les m'as-tu-vu de Tous le monde en parle par exemple se vendent moins cher qu'ailleurs en Amérique du Nord tandis que la piquette vissée des ti-clins comme moi se vend régulièrement entre 10% et 25% plus cher.

Mais je reste quand même sceptique sur plusieurs points.

D'abord, quels éléments d'actifs seraient mis en vente par la SAQ? Quand on sait que la majeure partie des magasins de la SAQ ont été rénovés ou déplacés dans des nouvelles bâtisses, assisterions-nous ici à une vente de feu de magasins flambant neufs? À une dilapidation de notre trésor public à une horde de boutiquiers néo-bourgeois qui ne connaissent rien au vin mais tout à la business? Et quand on connait les ramifications du crime organisé dans de nombreuses entreprises légitimes (voir Zone libre), disons que la privatisation pourrait facilement se transformer en racket légal dans une époque où la prohibition est révolue.

Les opposants à la privatisation affirment que l'État n'a récolté en moyenne que 78% de la valeur comptable des magasins. Pourquoi? Les magasins ont été vendus mais sans la compétition a été ouverte à quiconque voulait faire le commerce de l'alcool. Est-ce qu'ici, afin de maximiser le prix de vente des succursales, les magasins seraient vendus un peu à la manière de franchises dont le territoire est protégé? Est-ce qu'il y aurait une meilleur compétition? Entre les commerces d'agglomérations différentes, peut-être mais à l'intérieur d'une même ville? Je pense plutôt que les consommateurs seraient perdants parce qu'on assisterait à une stagnation de l'offre lors de la transition de la SAQ vers un secteur privé fragmenté et à la création de monopoles privés.

Pourquoi? Étant donné les rénovations importantes sur certaines succursales, les plus riches acheteurs s'arracheraient d'abord les endroits les plus stratégiques et plus payants. Même si l'État permettait l'ouverture d'autres commerces d'alcool sur un territoire donné, personne ne se risquerait à investir dans un commerce où son concurrent est une ancienne société d'État dans un bâtisse neuve comme à Chambly par exemple. Plus de compétition? Plus d'acteurs économiques? De meilleurs prix? À long terme, peut-être. Lors de la privatisation albertaine, je ne suis pas sûr que le réseau était dans une forme aussi resplendissante que le réseau actuel de la SAQ. La compétition pouvait donc prendre sa place.

En bout de ligne, comme dit le vieil adage, le mieux est l'ennemi du bien. Ne pensez-vous pas que le gouvernement Charest, empêtré dans les négociations avec le secteur public, les PPP non-identifiés, ses promesses de baisses d'impôts non-tenues, déciderait dans un élan de folie d'aller privatiser la SAQ? Il aurait bien raison. Don't fix it if it ain't broken. Consacrons nos énergies à ce qui compte vraiment: la santé et puis la santé en plus de la santé...et quoi d'autre? ah oui la santé! Santé!

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