2006/02/07

Dogmatique, pragmatique, éthique ou politique?

Lorsque j'écoutais en direct hier à la SRC la nomination du Conseil des ministres, j'ai été évidemment surpris par l'entrée au pouvoir de Michael Fortier (qui, thank god, n'arbore plus cette barbe de trois jours) en tant que ministre des Travaux Publics mais j'ai été aussi renversé par la nomination de David Emerson, qui a été élu comme député libéral, comme ministre du Commerce extérieur. Je me suis tout de suite dit, ai-je bien compris? Un libéral au Conseil des ministres? Sommes-nous déjà si désespérés au PCC qu'il faut déjà un gouvernement de coalition ou pire, d'unité nationale?

Je n'irai pas jusqu'à dire que j'ai eu peur pendant une seconde que Jean Lapierre revienne aux Transports mais la traversée de Emerson de l'autre côté de la Chambre me laisse plus perplexe que la nomination d'un non-élu en charge du ministère qui a été au centre de toutes les tractations du scandales des commandites.

Dans un monde idéal , David Emerson pourrait rester député libéral et faire partie d'un gouvernement conservateur, comme c'est le cas dans plusieurs démocraties en Europe. Sauf que dans ces cas-là, il ne s'agit jamais d'adversaires politiques directs, dont les formations s'échange le pouvoir. Là-bas, il y a généralement un parti dominant à gauche, un parti dominant à droite et une kyrielle de petits partis politiques aux extrémités du spectre politique. Ce sont dans ces petits partis qu'on puise les ministres outsiders des gouvernement de coalition.

On aurait pu imaginer Jack Layton faire partie du gouvernement de Paul Martin. D'ailleurs, dans les années '70, Ed Broadbent, ancien chef du NPD, avait été invité par Pierre Trudeau à faire partie du gouvernement libéral mais Honest Ed avait exigé d'amener avec lui cinq ou six députés néo-démocrates. En bout de ligne, la manoeuvre n'avait pas fonctionné.

Sauf que dans la situation actuelle, cela ne serait pas possible, car dès que le Cabinet étudierait une proposition controversée, celle-ci se retrouverait à coup sûr chez les libéraux ou dans les médias, puisque le parti de Emerson serait le parti qui serait appelé à remplacer les Conservateurs si le gouvernement et qu'il y avait élection.

Comparons avec le cas de Belinda Stronach, qui est passé aux Libéraux douze mois après avoir été élue comme conservatrice et environ quatorze mois après sa course malheureuse à la direction du PCC. À la décharge de Mme Stronach, les raison majeures derrière sa défection étaient son incompatibilité idéologique avec les Conservateurs et le timing de sa défection, qui a sauvé le gouvernement Martin de la défaite. Mme Stronach affirma à l'époque que des élections menaçaient l'unité nationale puisque le PCC n'alignait avec le Bloc pour défaire le gouvernement et à cette époque, l'appui au Bloc frôlait le 50%.

David Emerson, contrairement à ce que son nom indique, n'est pas une star émergeante du Parti libéral national. La preuve est qu'il n'a jamais été nommé dans les listes de candidats possibles à la succession de Paul Martin dans les semaines précédentes. Il était cependant une recrue de choix pour Paul Martin en 2004 et une vedette locale à Vancouver. Sauf qu'à le voir et à l'entendre sur les tribunes durant la campagne, il avait l'air d'un fervent libéral. Faut-il croire maintenant qu'il était plus vancouvérois que libéral, si on se fie à ses raisons de virer sa veste?

Est-ce que Stephen Harper a pris la bonne décision en nommant David Emerson au Conseil de Ministres? Ce geste est très mal reçu des gens pour qui ont appuyé Harper pour des raisons d'éthique et d'imputabilité. Mais d'un point de vue pragmatique, la représentation au cabinet de la troisième ville en importance au pays a primé sur les considérations idéologiques. D'un point strictement politique finalement, n'est-ce pas de bonne guerre de rendre la monnaie de sa pièce à Paul Martin pour la défection de Belinda Stronach?

Hum, je viens d'entendre Peter Mackay. Sur le troisième point, il croit que j'ai raison.

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